Le groupe Balint . Penser le groupe d’analyse de la pratique comme méthodologie de formation s’inscrit dans l’héritage de nombreuses recherches du côté de l’école sociotechnique anglaise (Tavistok institute), française (CNAM) mais aussi dans le monde médical depuis les années 50. Dans les dispositifs de formation sur la relation soignante proposés aux médecins, l’analyse de la pratique prend le plus souvent la forme d’un « groupe Balint ». Balint psychiatre et psychanalyste hongrois, théorisa dans les années 50 la façon de faire acquérir aux médecins des compétences psychothérapeutiques. C’est là, la proposition de ce groupe de travail et de recherche sur la relation soignante qui se définit comme un groupe de formation et non un groupe à visée de soutien aux participants. Un groupe de formation donc qui articule les possibilités d’un groupe de parole (dans l’expression des affects) , d’un référentiel psychanalytique (associer et rêver ensemble) qui se déploie dans le champ du travail du soin (soignants et rééducateurs).
Balint dans la définition de sa démarche de groupe de formation propose une prise de position radicale. Il écrit dans « Le médecin, son malade et la maladie » que : « La discussion a vite montré que le médicament de beaucoup le plus fréquemment utilisé en médecine générale était le médecin lui-même… dans aucun manuel il n’existe la moindre indication sur la dose que le médecin doit prescrire de sa propre personne, ni sous quelle forme, avec quelle fréquence, quelle est la dose curative et sa dose d’entretien ».
L’objet de l’analyse du groupe Balint est donc la relation au malade et ce qui pose question ou interroge. Nous proposons des échanges qui prennent appui sur une situation relationnelle de la pratique professionnelle. Ici s’agit ici, non d’évoquer la prise en charge autour de la prescription mais plutôt ce qui embarrasse, interroge le soignant. Nous sommes ici dans le registre des émotions, des pensées, tout ce qui relève du contre-transfert du soignant.
Toute réunion commence par une interpellation au groupe : « Qui a un cas à présenter ? ». Il est intéressant de constater que le vocable de « cas » convoque deux réalités : il détermine un champ professionnel particulier, celui d’un métier. Ensuite, celui qui répond à l’invitation d’exposer un cas, perçoit la possibilité que la situation proposée a des répercutions plus larges sur le métier que l’espace du cabinet. C’est en cela une forme de rupture avec un groupe thérapeutique qui viserait une symbolisation des affects, une approche de l’inconscient. Balint proposait au contraire que le praticien qui expose reste dans une sorte de « professionnalité » en proposant que le médecin entende les émotions et les embarras de la relation avec son malade mais qu’il les considère comme des informations pour une meilleure prise en charge du malade. Le psychanalyste restera sur l’inachevé de l’analyse des mécanismes de défense mais le professionnel du soin y trouvera là moyen de retravailler ce matériel du côté du professionnel.
L’autre point significatif est que la position de l’animateur n’est pas du coté du savoir, de l’expertise, ce qui nuirait à toute forme d’invention et de jeu des transferts. L’animateur intervient comme les autres membres de l’équipe sous une forme d’égalité dans sa capacité à être affecté. Chacun réagit comme il le veut, en fonction des images, des idées, des analogies qui lui viennent. Ce que vise ce dispositif de « formation – recherche » est de s’appuyer et rechercher les différents points de vue entre les participants au lieu d’attendre la solution experte de l’animateur.
Ce que nous pouvons retenir de cette pratique c’est qu’elle propose un dispositif de formation des professionnels de santé qui explore la relation affective entre le soignant et le malade tout en l’inscrivant dans le registre des savoir-faire de métier. Du côté de la méthodologie, elle dégage dans le même temps l’animateur d’une obligation d’expertise professionnelle au profit d’une capacité à faire élaborer le groupe de stagiaires en les invitant à partager un matériel psychique le plus large possible : affects, images, histoires, rêves…
Balint propose donc un dispositif d’amélioration de formation professionnelle continue qui intègre la dimension opératoire du soin tout comme celle des affects.
Pour aller plus loin :
Balint,M.(2003). Le Médecin, son malade et la maladie. Paris :Payot